Mon message du samedi soir (29)
(image du net)
LE PAON SE PLAIGNANT A JUNON
Jean de La Fontaine
(Source : Phèdre, livre III, 18)
Le Paon se plaignait à Junon.
Déesse, disait-il, ce n'est pas sans raison
Que je me plains, que je murmure (1) ;
Le chant dont vous m'avez fait don
Déplaît à toute la Nature :
Au lieu qu'un Rossignol, chétive créature,
Forme des sons aussi doux qu'éclatants,
Est lui seul l'honneur du printemps.
Junon répondit en colère :
Oiseau jaloux, et qui devrais te taire,
Est-ce à toi d'envier la voix du Rossignol ?
Toi que l'on voit porter à l'entour de ton col
Un arc-en-ciel nué (2) de cent sortes de soies ;
Qui te panades (3) , qui déploies
Une si riche queue, et qui semble à nos yeux
La boutique d'un Lapidaire (4) ?
Est-il quelque Oiseau sous les cieux
Plus que toi capable de plaire ?
Tout animal n'a pas toutes propriétés.
Nous vous avons donné diverses qualités :
Les uns ont la grandeur et la force en partage ;
Le Faucon est léger, l'Aigle plein de courage,
Le Corbeau sert pour le présage,
La Corneille avertit des malheurs à venir :
Tous sont contents de leur ramage (5) .
Cesse donc de te plaindre, ou bien pour te punir
Je t'ôterai ton plumage. (6)
(1) dans "la Besace" I,7, les animaux étaient tous contents de leur sort...
(2) nuer : nuancer, disposer les couleurs selon les nuances (terme de tissage de laine ou soie)
(3) se panader : faire parade, se pavaner, marcher avec une gravité fière
(4) marchand de pierres précieuses, "riche queue" et "qui semble" vont... ensemble.
(5) chant
(6) Oh ! je vous laisse imaginer ce qui resterait !